Prise de rendez-vous / Copry

Marc Tiverre avait guetté avec attention la liste des postes libres à la tête d'entreprises publiques. Lui qui dirigeait déjà un hôtel à Kaora et Zénergie se voyait bien remplir une nouvelle attribution à la tête d'une société en particulier, raison pour laquelle il sollicita le néo-président du conseil aux fins d'obtenir un rendez-vous avec lui. Un président qui devait, en (petite) partie, son élection au soutien que Tiverre et ses partisans lui avaient apporté lors de l'élection ... ce qu'il ne pouvait évidemment pas oublier.

"Cher Président,

J'aimerais avoir l'occasion de vous rencontrer prochainement pour discuter des entreprises publiques dont la direction se retrouve vacante. J'ai quelques projets, idées et ambitions en tête dont je souhaiterai discuter avec vous. J'espère que vous trouverez le temps pour me rencontrer à cet égard.

Cordialement,

M.T."

À peine élu, les solliciteurs se faisaient déjà nombreux et Kurt Denfell replongea très vite dans le bain de l'exercice du pouvoir. Peut-être Marc Tiverre croyait vouloir faire valoir quelques droits pour avoir été celui ayant définitivement entériné l'accession au pouvoir du Denfell. Il devait se tromper, Kurt le savait: s'il était devenu Président du Conseil, c'était tout bonnement parce qu'il était le meilleur.
Cependant, il convenait sans aucun doute de ménager les susceptibilités. La réponse ne se fit donc pas tarder.

"Monsieur Tiverre,

Je suis tout disposé à vous rencontrer quand vous le souhaitez pour discuter de vos projets, idées et ambitions concernant les entreprises du secteur public.

Cordialement,

Denfell"

Ainsi Denfell avait accepté de rencontrer Tiverre le jour-même. Un sacré bonhomme. Suractif. Promotteur. Un politicien qui allait faire un burn-out dans quelques semaines et repartir pour un congé indéterminé, mais évidemment prolongé, à n'en pas douter. Il fallait en profiter tant qu'il était présent et motivé. Cela pouvait ne pas durer.
Tiverre se présenta ainsi à son bureau le soir venu. Il n'allait pas être long, mais il avait toutefois quelques suggestions et propositions dont il voulait s'entretenir avec le nouveau Président du Conseil. Elu grâce à Tiverre, rappelons-le.

"Bonsoir Kurt.

Merci de me recevoir. J'espère que je ne te dérange pas trop.

Avant de commencer, je tiens à te féliciter pour ton élection. Tu as su rassembler derrière toi une partie des forces vives de Prya, cela doit être une fierté pour toi.

Si tu as quelques minutes à me consacrer, j'aimerais m'entretenir au sujet de certains projets, le premier étant la reprise du Club Sportif Zantave. Je m'en suis récemment vu remettre la direction. Toutefois et pour que le club puisse prospérer, il me faudrait, je pense, en détenir le capital et ainsi investir librement dans la structure. Est-ce selon toi une option envisageable ?

D'ailleurs, en parlant d'investissements, mais on aura l'occasion d'en reparler, j'aimerai bien renforcer ma participation dans Zénergie. Tu ne devrais pas tarder à recevoir une invitation pour la prochaine assemblée générale. Les résultats publiés seront assez satisfaisants à mes yeux. Toutefois, j'aimerai racheter la participation d'Ambre dans la société, afin de n'être, avec l'Etat, que le seul actionnaire dans ce mastodonte qui fournit l'énergie à toutes les provinces pryannes. Mais de cela, nous pourrons en reparler plus tard, si tu n'en as pas le temps.

Enfin et pour finir, autant être exhaustif, j'ai pour ambition de rejoindre le monde du BTP. A cet égard, deux options s'offrent à moi : créer ma structure ou m'impliquer dans Copry. J'aimerai que l'on en parle et recueillir ton avis à cet égard"

Marc Tiverre était excité comme une puce clairement comme une puce. Une vraie mitraillette que son débit de parole. Tout en l'écoutant, Denfell avait pris quelques notes, pour ne pas se perdre dans sa réponse.

"Merci pour tes félicitations. Et merci pour le soutien de ton groupe parlementaire. Je sais que tu avais quelques réticences, j'espère que je saurais les estomper.

Sinon, pour répondre à tes questions...

Alors, il n'y a effectivement aucun soucis pour privatiser les clubs de football. Pour ne rien te cacher, j'ai moi-même l'intention de racheter l'Océanique de Siango dès que j'en aurais l'occasion. Si les championnats et coupes se succèdent, il est sûr que ça sera plus intéressant de voir des clubs de football privés s'affronter, avec des propriétaires qui y injecteront de l'argent.

Pour Ambre et Zénergie, à vrai dire, je suis plutôt content de cette proposition. La possession d'actions de Zénergie par Ambra date d'il y a très longtemps quand Ambre était encore une entreprise privée. Ce genre de méli-mélo de possession d'actions ne fait que compliquer les choses. Hum...D'ailleurs, ça me fait penser qu'il serait peut-être intéressant de proposer une modification de la loi sur les privatisations. Pour stipuler que seuls les personnes privées ou les entreprises de type holding peuvent posséder des actions...À voir...

Quant à ta question sur la Copry...Il est sans aucun doute plus économique de créer sa propre entreprise pour l'instant, mais ça m'embête quand même beaucoup: on ne peut pas continuer à créer des entreprises indéfiniment. La Copry vaut, en bourse, 93'000P§, ce qui est évidemment énorme. Ce montant gigantesque est dû au stock de 518 PP de l'entreprise. Donc, avant d'envisager le rachat de la Copry, il faudrait trouver un moyen d'utiliser ce stock".

Le bon point avec Denfell, c'est que quand on cause privatisation, lui a le palpitant qui s'emballe et les yeux qui s'émerveillent. Alors quand on cherche à privatiser soi-même, c'est un pain béni d'avoir un responsable économique de ce bord là.

"Quelques réticences dont on aura l'occasion de parler, à coup sûr. C'est en confrontant nos idées que l'on parviendra à déterminer la meilleure politique à mener pour Prya.

Quelles seraient-les meilleures méthodes de détermination des prix de rachat pour les actions détenues par Ambre dans Zénergie et pour le CSZ ? Un rachat au cours actuel, le cours plus une prime ou moins une prime ? Je t'avoue que le CSZ ne vaut pas grand chose. Un peu d'argent sur le compte, un petit bureau mais aucun stade ... C'est plus pour reprendre un club déjà installé et ne pas le voir dépérir que je me suis lancé dedans.

Pour Zénergie, je n'ai pas l'ambition de privatiser la société entièrement. Pas sans que le gouvernement me le demande, en tout cas. Mais reprendre les parts d'Ambre nous feraient, a priori, tous les deux plaisirs. Autant foncer, si ça te semble cohérent et possible, avant l'annonce des comptes et donc des dividendes non ?

Et pour la Copry, ce qui pourrait être envisageable est que je prenne la direction de l'entreprise, si là encore cela te convient, et que, comme pour Zénergie, j'entre progressivement dans le capital, sans viser de privatisation immédiate. Je n'ai pas les moyens de toute façon de mener de tels projets, et pas nécessairement la volonté. Diriger une société qui profite à l'Etat, voilà quelque chose qui me plaît et me satisfait".

Mais, ma parole, c'est qu'il essayait de gratter le moindre palmyr d'économie!

"Pour le moment, le prix de l'action reste déterminé par le cours de la Bourse. Je me vois mal proposer une sorte de..."ristourne" sur le prix des actions. J'y ai bien pensé quand j'ai étudié le cours des actions de la Copry, gonflé par ce stock faramineux, mais, de fait, ça serait un sérieuse atteinte à l'équité des échanges de mon point de vue: il ne peut pas y avoir de cas particuliers pour chaque actionnaire potentiel ou pour chaque entreprise.

Toutefois! Je suis bien conscient du coût...Et je compte bien y faire quelque chose. Dès que les deux projets de modification des lois sur les salaires et sur la citoyenneté auront été votés, que la réponse soit oui ou non, je pourrais déposer un projet de loi de finances pour le trimestre en cours dans laquelle je proposerai que la taxe sur les transactions boursières passe de 15 à 0%. Ça sera déjà un bon coup de pouce, je pense. Donc, au final, avant de faire le moindre achat d'actions, il vaut mieux attendre une bonne quinzaine de jours.

Quant à la Copry, c'est noté, je fais le nécessaire pour que tu puisses en prendre la tête".

"Je comprends ton positionnement.
J'envisage de racheter les 150 actions détenues par Ambre dans Zénergie. Le cour de l'action étant actuellement fixé à 66P§, il m'en coûterait théoriquement 9900 P§, soit le prix d'un parc éolien de 50 PP. Comme tu l'as dit, il est plus rentable de créer sa propre société que d'investir dans le secteur public. Mais tu connais mon attachement pour Zénergie et j'aimerai que l'on trouve un accord pour le rachat de ces actions détenues par Ambre, ou une partie équivalente détenue par l'Etat. Si malheureusement aucun compromis ne peut être trouvé, alors je formulerai une offre au prix fort, si je n'ai pas d'autres choix".

9900 palmyrs pour acquérir 15% d'une société ayant une capacité de production de 100 PP et ayant à peine plus de 20 mill palmyrs sur son compte ... Une ruine pour ce que cela représente. Toutefois, Tiverre ne se voyait pas à la tête d'une société autre que Zénergie sur ce secteur porteur. Il y était attaché et souhaitait la développer. Il espérait simplement que le gouvernement comprenne l'intérêt qu'était le sien en intéressant plus largement Tiverre aux résultats de cette entreprise publique qu'il avait su relancer en en prenant la tête.

Kurt comprenait parfaitement ce que voulait dire Marc. Lui aussi avait envie d'investir dans des entreprises et lui aussi était parfois découragé par le coût énorme du rachat de certaines entreprises.

"Le problème est que je ne vois aucune base légale qui me permettrait de baisser le prix des actions d'une entreprise publique pour vendre ses parts moins chères. De plus, par équité pour tous les Pryans, si une éventuelle baisse du prix des actions d'Ambre t'était accordée, il faut que la même baisse s'applique pour tous le monde et pour toutes les entreprises.
Peut-être qu'on pourrait mettre en place une prime spéciale dans la prochaine loi de finances qui consisterait à donner une certaine somme de palmyrs en fonction des actions qui ont été achetées. Toi qui est membre de la Cour Suprême, est-ce que tu penses que ça serait correct? Et que la place d'une telle prime serait bien dans la loi de finances et non dans une loi spécifique?"

Il était toujours agréable de causer privatisation et argent avec Kurt. Un sujet qui lui tenait à coeur. Il y avait une opportunité à saisir avec sa présidence ... Une opportunité que Tiverre ne comptait pas laisser passer.

"Ta remarque sur le rabais qui me serait exclusivement accordé est judicieuse.
Ce qui pourrait être intéressant, et c'est un désir que j'exprime depuis quelques temps, est de prévoir la possibilité pour l'Etat d'intéresser les équipes de direction à la tête d'entreprises publiques. À cet égard, tu n'accordes pas un rabais mais tu attribues gratuitement des actions aux dirigeants, en fonction de leurs résultats et à la place, s'il le faut, de leurs salaires. Gratuitement ou avec une décote importante. Là, les autres citoyens et investisseurs ne seraient nullement lésées, cet avantage correspondant à un travail effectué et à des services rendus par le dirigeant. Un tel système trouverait difficilement sa place dans une loi de finances par contre ...

Pour l'idée d'une prime, c'est là aussi assez difficile à réaliser ... On aurait pu imaginer un mécanisme produisant les mêmes effets si on réduisait l'imposition à laquelle les acquisitions de titres étaient soumises, mais ces opérations ne sont déjà pas imposées, si je ne me trompe pas ...

Pour Zénergie, je reste disposé à racheter les titres détenus par Ambre, soit 150 actions. De préférence avant l'AG qui aura lieu dans un peu moins d'une semaine et pour laquelle tu as d'ailleurs dû recevoir une invitation. Pas que j'envisage de distribuer des dividendes, cela rester à déterminer, mais c'est que quand j'ai un peu d'argent qui dort sur mon compte ... J'essaye de l'investir au mieux. Tu me comprends sans doute.

Je profite de l'occasion pour te remercier pour la Copry d'ailleurs. J'ai déjà de beaux projets en tête pour le bébé. Ce sera intéressant de voir ce que je parviens à en faire !"

Décidément, il apparaissait que Marc était venu, non pas avec quelques petites demandes d'ordre économique, mais bien avec tout un agenda politique. Ce qui ne déplaisait pas forcément à Denfell, surtout pour faire face à l'ogre économique que s'était construit Arthur et contre lequel il serait difficile de construire quelque chose.

"L'intéressement par des actions..Hum, c'est une bonne idée. Je crois d'ailleurs que c'est la première fois qu'elle est évoquée. Du moins dans une période où je ne me suis pas retiré des affaires.
Quoiqu'il en soit, c'est une bonne idée, mais vraiment compliquée à mettre en place. Chaque entreprise a un cours boursier différent et il faudrait vraiment ficeler un texte particulièrement complexe pour qu'aucun directeur ne soit lésé. En outre, la cession d'actions, en récompense, est définitive. Les résultats d'une entreprise, eux, ne le sont pas. Un directeur peut faire un trimestre exceptionnel, mériter des actions et ne rien faire pendant six mois ensuite.
Pour ces raisons, je préfère rester sur l'idée d'une augmentation possible du salaire du directeur en fonction des performances. Au final, cela revient au même, puisque en augmentant le salaire, on augmente sa capacité à acheter des actions".

"L'attribution d'actions pourrait être intéressant si l'entreprise était elle-même propriétaire d'une partie de ses actions ou si elle avait la possibilité d'en émettre de nouveaux. Elle présente pour intérêt d'être indolore pour elle au contraire d'une augmentation de salaires, laquelle se concrétise par une augmentation directe des coûts. Attendons de voir l'issue du scrutin concernant ta proposition de loi sur l'augmentation des salaires. Une proposition bienvenue et que j'ai été heureux de soutenir, Kurt."

Brosser dans le sens du poil, puis revenir à ses moutons. Tiverre avait eu la Copry, certes. Mais il était également là pour augmenter sa participation au capital de Zénergie. Une acquisition litigieuse ? Il faut dire que se porter acquéreur de 15% des titres d'une société peu avant l'annonce de ses résultats et la décision de verser un éventuel dividende, cela pouvait s'apparenter à un délit d'initié, lequel était incriminé en droit pryan. La solution ? Ne pas verser de dividendes lors de cette assemblée générale, les reporter pour plus tard. Cela ne faisait pas pour Tiverre de grande différence.

"Sans vouloir insister Kurt, j'aimerai vraiment sortir de ce rendez-vous, déjà fructueux, avec une décision sur ma proposition de rachat des actions détenues par Ambre au capital de Zénergie. Au prix fort, pour que cela ne fasse pas de scandale. Il ne serait évidement pas opportun de débuter ton mandat par des faveurs malvenues, et je souhaite évidemment te l'éviter."

L'éviter, Tiverre le souhaitait. Mais racheter ces fichues actions, il le souhaitait encore plus. Après tout, quel pouvait bien être le scandale ? Racheter des actions à un prix absurde, réaliser une opération dont le coût économique était largement supérieur à ce qu'il aurait dû être si Tivere avait décidé de lancer sa propre industrie ... L'Etat devait lui être reconnaissant de son investissement, pas méfiant !

"Pour les actions de Zénergie détenues par Ambre, comme je te disais, je ne vois pas d'autres solutions que de proposer une offre d'achat à Ambre au prix du cours de l'action. Pour le moment, j'ai les mains liées et ne peux pas te proposer mieux que ça".

Tiverre s'excusa un instant puis sortit du bureau passer un coup de fil. Quelques secondes après, il revint auprès de Kurt.

"Je viens de passer l'ordre de faire une proposition d'achat pour les 150 actions détenues par Ambre au prix unitaire de 70 P§, en espérant que la direction d'Ambre l'accepte. Je te remercie en tout cas pour m'avoir ouvert la porte de ton bureau et pour ta disponibilité. J'imagine que tu as encore pas mal de travail à faire".

De son côté, Denfell avait lui aussi immédiatement reçu un coup de téléphone de la part du directeur financier d'Ambre, à qui il avait demandé d'accepter la transaction.

"C'est toujours un plaisir de recevoir des entrepreneurs ambitieux! Et sois sûr que je ferais la maximum pour privilégier les privatisations dans les prochaines semaines".