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Série "Survie"

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Message  Archives nationales Mar 16 Juin 2015 - 11:53

Aujourd'hui, Direct Prya a décidé de rediffuser une ancienne série Pryanne pour ne pas qu'elle disparaisse.

Auteur: Ernesto Rowlaixe



SURVIE: Episode 1


Nous informons nos téléspectateurs que certaines scènes du programme qui suit peuvent s'avérer choquantes pour un public jeune et non averti.





Dans une ville inconnue, d'un pays inconnu, le jeune homme marche dans les rues. Il rentre de l'université où il a encore passé une journée comme les autres, à être invisible aux yeux de tous. Il n'est personne, un visage commun dans la multitude des étudiants de l'université. Aujourd'hui, il n'a parlé à personne et personne ne s'est adressé à lui. Il s'est habitué à cette solitude qui est devenue sa compagne et qu'il commence à apprécier. Cela lui fut difficile au début de n'être rien, mais, maintenant, c'est devenu négligeable. Ce n'est pas qu'il n'a pas d'amis, il en a; c'est juste que ses amis, il ne les voit pas tous les jours, ne faisant pas les mêmes études que lui. Selon lui, être sociable et se faire de nouveaux amis est une perte de temps et d'énergie. L'amitié est éphémère, seul ce qu'il fait compte et dure. C'est pourquoi il ne parle à personne et que personne ne lui parle. Il ne trouve que des avantages dans cet abandon de l'interaction sociale.

Le jeune homme, après sa journée à étudier, rentre chez lui. Il habite toujours chez ses parents. Pourquoi déménager alors que le cocon familial, si sécurisant, n'est qu'à quelques lignes de bus de l'université. Et puis, il n'est pas dupe: s'il quittait sa famille pour prendre un appartement, il se retrouverait définitivement seul, sans contact avec le reste du genre humain. Il a beau apprécier la solitude, il est tout de même conscient que s'il passait des jours sans parler à quiconque, il deviendrait fou.

Fou, c'est ce que ce monde est, d'ailleurs.

Alors qu'il marche dans les avenues pour rentrer chez lui, le jeune homme ne peut s'empêcher de regarder le monde qu'il entoure. Des gens courent partout, cherchant à gagner du temps qu'ils n'ont pas. Le monde a tellement évolué que désormais, il y a plus de choses à faire en une journée que le temps ne le permet. Satanée technologie qui éloigne l'Homme des choses de la Nature. Auparavant, les gens prenaient le temps de faire les choses, de cultiver la terre et, tout simplement, de vivre. Aujourd'hui, les ordinateurs, la télévision, les téléphones ont rendu tout ça obsolète. Tout va plus vite et le jeune homme le déplore. Il regrette les temps passés, c'est certain.

Le monde est devenu totalement fou, c'est certain.

Le parcours du jeune homme le fait passer devant un magasin qui diffuse les informations du moment. D'habitude, il ne s'arrête pas et continue son chemin, mais, cette fois-ci, son attention est retenue. La crise entre deux pays qu'il ne connaît pas a atteint son paroxysme. Toujours la même histoire à propos de ressources d'énergie. Damné pétrole, tout le monde en veut plus qu'il y en a. Ce n'est pas la première fois que des pays s'affrontent à propos de l'or noir. Mais, aujourd'hui, les tensions quant à la possession du pétrole se font de plus en plus violentes. Le jeune homme est certain que ces deux pays penseront n'avoir d'autres choix que de se lancer dans une guerre. Tout cela pour ce liquide noir et devenu si précieux à cause de la modernisation du monde. Le jeune homme ne peut s'empêcher de penser, encore une fois, que le passé avait des vertus non négligeables.

- Hé, gamin, si tu veux regarder, faut payer!

On lui parle, il ne veut pas répondre. Las de ses élucubrations sur le monde, le jeune homme reprend son chemin. La maison familiale, ce havre de paix et de tranquillité est proche, il y sera bientôt et pourra se mettre à l'écart de la folie du monde. Il rentre, il respire enfin après cette apnée d'une journée dans le monde extérieur. Ses parents sont là, à l'attendre. Une nouvelle fois, ils veulent lui parler, savoir comment a été sa journée, ce qu'il a fait et s'il a eu de bonnes notes. Le jeune homme leur marmonne quelques réponses concises. "Bien", "Oui", "Non" constitue la majeure partie de ses réponses. Ce n'est pas qu'il ne veut pas parler à ses parents. Ce sont les seules personnes dont il supporte plus ou moins la conversation. Après tout, ce sont ses géniteurs, il leur doit donc de garder un contact avec eux. Mais parler pendant des heures avec eux, de tout et de rien, du temps et de la politique, ça, il ne le veut pas. Cela risque de l'épuiser et, dans un monde fou, celui qui est épuisé est celui qui tombe en premier. Ses parents n'essayent pas d'en demander davantage, ils connaissent leur fils et savent qu'ils n'obtiendront rien de plus. Tout ce qu'il espèrent, c'est qu'un jour, ils pourront discuter avec leur fils, le connaître et en être fiers. Ils mangent en silence, si ce n'est quelques paroles qui n'amènent aucune réponse.

Le jeune homme va se coucher. Encore un nouveau combat pour lui. Cela fait des mois qu'il dort mal. Il ne peut s'empêcher de penser à la perte qui l'afflige et qui l'a coupé du monde. Se tournant et se retournant dans son lit, il ne trouve pas le sommeil. Il pense et réfléchit. Il sait qu'il se ment à lui-même en se mettant à l'écart des gens. Autrefois, il avait eu un ami très proche. Mais cet ami est mort. Par sa faute. Quel idiot le jeune homme avait été, son seul vrai ami était mort par sa faute. Cela avait tout changé en lui. Pourquoi se faire des amis si on n'arrive pas à les garder? Pire, si on cause leur mort? Mais le jeune homme est aussi bouleversé par l'idée qui le ronge chaque nuit: que vivre seul ne vaut pas la peine de vivre. Sa vie n'a aucun sens s'il ne la partage pas. A quoi bon vivre, se dit-il? Chaque nuit, dans ce tumulte des pensées qui précède le fragile sommeil qui finira par le gagner, il pense à la mort, à sa mort. Chaque fois, il repousse cette idée. Mais, cette fois-ci, il a bien réfléchi, il est déterminé. Demain, il mettra un terme à sa propre vie.

Cette résolution l'apaise. Il est en paix avec lui-même. Pour la première fois depuis des mois, il s'endort paisiblement, plongeant dans un sommeil profond.

La même nuit, l'un des pays belligérants de la crise pétrolière actuelle lance une bombe sur l'autre pays.

C'est le froid mordant qui réveille le jeune homme. Il ne comprend pas. Certes, c'est l'hiver, mais, pourtant, la maison est chauffée. Les yeux mi-clos, il s'aperçoit que le jour est déjà levé. Diable, il doit être tard pour que le soleil darde déjà ses faibles rayons hivernaux. Le jeune homme comprend rapidement que son réveil n'a pas fonctionné et qu'il sera en retard à l'université. En fait, il se rend compte que son réveil n'a pas fonctionné, parce qu'il est éteint. Bizarre, une panne de courant donc. Cependant, cela n'émeut pas plus que cela le jeune homme. Il a pris sa décision la nuit précédente et ce jour sera celui où il s'ôtera la vie. Il n'a pas encore réfléchi à comment il allait faire. Il a toute la journée pour cela. Tout ce dont il est sûr et certain, c'est que son suicide aura lieu lors de son retour de l'université.

Le cœur tranquille, il se dirige vers la salle de bains pour prendre une douche, l'eau est froide. Encore une conséquence de cette panne de courant. Il trouve cela de plus en plus bizarre. S'il y a eu une coupure de courant, ses parents auraient dû remettre les plombs. Soit la panne de courant a eu lieu alors qu'ils étaient déjà partis, soit ça ne venait pas de la maison. Mais, après tout, il s'en moque: ce soir, ces considérations n'auront plus aucune utilité pour lui.

Il descend dans la cuisine. Il a faim. La panne de courant doit être général, ses parents étant bien là, autour de la table de la cuisine, attablé devant leur petit déjeuner. Ils sont immobiles, leur peau a une étrange teinte grisâtre. Pendant un dixième de seconde, le jeune homme pense qu'ils sont endormis, mais il comprend bien vite que ce n'est pas le cas. Leurs corps affaissés, le regard blanchâtre de sa mère qui se tient sur la chaise en face de lui ne trompent pas. Ils sont morts. Le jeune homme sent maintenant. Il n'avait pas fait attention jusque là. Déjà, l'odeur de la mort et du pourrissement de ses parents emplit la cuisine. Interdit, il reste là à les contempler, ne sachant que penser, que ressentir. Triste, il l'est, c'est sûr, mais, il ressent également du soulagement. Ce soir, quand il mourra, il saura qu'il ne laisse personne derrière lui. Ses parents ne perdront pas leur raison à chercher pourquoi leur unique enfant s'est suicidé, à se torturer pour savoir ce qu'ils ont fait de mal dans l'éducation de leur fils. Oui, le jeune homme est soulagé et reste là, assis à la table de la cuisine, pendant des heures, à contempler la mort en face.
...
...
Le silence
...
...
C'est le silence qui, paradoxalement, sort le jeune homme de ses pensées. Jusque là, il n'avait pas fait attention à ce silence. D'habitude, la cuisine est assaillie par les bruits de l'extérieur. La maison se trouve sur une avenue très passante, amenant son lot de nuisances sonores, des gens qui crient aux bruits des voitures, en passant par la musique des autoradios. Néanmoins, il n'entend plus rien. Au dehors, à part des pleurs étouffés, il n'entend rien. Le silence.

Le jeune homme sort de chez lui. Dehors, c'est la désolation, le vide. Au milieu de la route, des voitures abandonnées. Il s'approche. Elles ne sont pas abandonnées, car, dans chacune, se trouve le corps sans vie de ses occupants. La mort a frappé partout. Des pleurs de bébé surprennent le jeune homme. Il court vers la source de ce bruit. Une poussette se trouve sur le trottoir, non loin de là. C'est le bébé à l'intérieur de l'engin qui vagit de toutes ses forces. Accroché à la poussette, se trouve le corps d'une femme. Elle aussi est morte, laissant son bébé seul. Le jeune homme ne sait que faire. Il est maintenant sorti de la torpeur qui avait suivi la découverte du corps de ses parents et mille sensations l'assaillent. Partout, il voit les corps de dizaines de personnes. Morts, ils sont tous morts et il peut le sentir. Mais il voit également des enfants courir partout, en pleurs. Où sont leurs parents? Morts, sûrement, comme les siens. Aucun adulte à l'horizon. Le jeune homme doit être le plus vieux des enfants et adolescents qu'il croise. Il n'a que vingt ans, mais il est sûrement le plus vieux de tous.

Hagard, le jeune homme parcourt les rues et se rend compte du chaos qui règne. De chaque maison, il croit entendre les pleurs d'un enfant abandonné par ses parents. A chaque coin de rue, il voit des adolescentes courir, les larmes aux yeux, espérant fuir la mort de leurs proches. Mais la mort n'a épargné personne. Tous sont tombés. Au bord de l'évanouissement, le jeune homme se réfugie dans un ruelle obscure, au calme. Il n'est sûr que d'une chose: quelque chose a tué tous les adultes. Il ne sait pas quoi ou qui a fait cela, mais le fait est que c'est bien réel. Il ne sait pas quoi faire. Il est toujours aussi seul et divague sur ses possibilités. Bizarrement, le suicide ne lui vient plus à l'esprit. Au contraire, la mort qui règne a éloigné cette idée de son esprit. Il doit faire quelque chose. Il se lève, il va aller retrouver ses amis. Cette idée, il l'aurait trouvé, au mieux, saugrenue hier; au pire, suicidaire. Il n'a pas revu ses amis depuis la mort de son meilleur ami. Il sait qu'ils ne veulent plus le revoir, mais il ne sait pas quoi faire. Peut-être qu'eux sauront.

Le jeune homme se lève, prêt à quitter la ruelle, avec, en tête, la volonté de réaliser sa nouvelle résolution. Mais quelque chose, au fond de la sombre ruelle, l'intrigue. C'est une voiture de police. Mû par un élan qu'il ne saurait pas expliqué, il se dirige vers elle à toute vitesse. Les policiers sont bien morts, eux aussi. Le jeune homme se trouve stupide. Même s'ils avaient survécu, qu'auraient pu faire deux hommes face à la situation dans laquelle toute la ville se trouvait? Néanmoins, tout n'est pas perdu. Avisant une brique qui traîne au sol, il éclate une vitrine en morceaux. Il sait qu'il risque d'avoir besoin d'une arme. La chance a voulu qu'il trouve une voiture de police. C'est la première fois qu'il touche une arme à feu, mais il n'a pas le temps de réellement y réfléchir. Rapidement, il attrape les armes des deux policiers morts et les range dans ses poches. Il est sur le point de repartir quand il se dit qu'il ferait mieux de regarder le coffre de la voiture. Il a raison de le faire. A l'intérieur, un sac, dans lequel il range une des deux armes qu'il a trouvé. Il fonce vers la portière passager et ouvre la boîte à gants qu'il avait aussi oublié de vérifier. A l'intérieur, une boîte de munitions. Il est paré, il va pouvoir y aller.

La maison la plus proche d'un de ses anciens amis n'est pas loin. Au pas de course, il se dirige vers elle, totalement insensible aux malheurs du monde qu'il croise. Désormais, il ne fait plus attention à ses bambins abandonnés à leur sort, qui, dans deux jours, au maximum, seront morts. Il ne fait plus attention à tout ceux qui pleurent en pleine rue. Il ne fait pas non plus attention aux pillages qui ont déjà commencé, orchestrés par les survivants les plus âgés. Il court vers son but et, stupidement, il fonce, dès lors, dans un piège.

C'est la douleur qui sort le jeune homme de son autisme de coureur. Il était proche du domicile de son ami quand quelqu'un l'avait frappé. Il est à terre, mais il n'a pas perdu conscience. Autour de lui, cinq jeunes, d'une quinzaine d'années, l'entourent.

- Donne ton fric, connard!

Le monde s'est écroulé et ils veulent de l'argent qui n'a plus aucune valeur.

- T'as de la bouffe, enfoiré?!?

Non, il a complètement oublié d'en prendre.

- Putain, tu sers à rien, merdeux!

Ils ne prennent même pas le temps de le fouiller et commencent à le rouer de coups. Il essaye tant bien que mal de se protéger de la nuée de coups qu'on lui adresse, mais sa résistance faiblit très vite et les cinq jeunes arrivent maintenant facilement à l'atteindre. La douleur irradie les côtes du jeune homme. Les pieds des gamins le frappent pendant plusieurs dizaines de secondes. Il encaisse, mais ne résistera pas très longtemps à ce rythme. Il voudrait analyser ses possibilités, mais son cerveau primaire, celui qui dicte aux hommes les réflexes de survie, prend le dessus. Sa main plonge dans sa poche et saisit l'arme du policier. Lentement, il sort l'arme et vise son assaillant le plus proche. Le coup de feu part et le gamin s'écroule, une balle en pleine tête.

Aujourd'hui, c'était la première fois qu'il touchait une arme.
Aujourd'hui, c'était la première fois qu'il tuait quelqu'un.
Demain, il en tuera d'autres.
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Message  Archives nationales Mar 16 Juin 2015 - 11:54

SURVIE: Episode 2


Résumé de l'épisode précédent:
Une terrible catastrophe a frappé une ville qui a vu tout ses habitants de plus de vingt ans mourir en une nuit. Un jeune homme est le témoin de cette catastrophe incompréhensible. Il erre dans les rues de sa ville, à la recherche de ses proches. Malheureusement, durant son parcours, il tombe entre les griffes d'un groupe d'adolescents agressifs qui semblent avoir décidé que seule la violence valait la peine dans ce nouvel ordre. Sur le point de s'évanouir sous les coups, le jeune homme n'a qu'un réflexe de survie: celui d'abattre un de ses assaillants.



Le jeune homme baigne dans une mare de sang, où se mélange le sien et celui de sa victime. Il veut crier, il veut pleurer toutes les larmes de son corps, mais il n'y arrive pas, il est trop choqué par ce qu'il vient de faire. Dans un ultime effort, il arrive à se dresser sur ses bras , mais son estomac, retourné comme jamais, le trahit et il vomit sur le trottoir, avant de s'évanouir.

Le jeune homme, plongé dans une sorte de sommeil comateux, rêvait. En fait, de rêve, il s'agissait plutôt d'un cauchemar. Il revoyait ses parents à la table de la cuisine de la maison familiale, comme tous les jours depuis maintenant vingt ans à ce détail près qu'ils étaient morts. Il se revoyait courant dans les rues de sa ville, l'air hagard, le regard vide. Et il revoyait également cette scène où il se faisait battre à mort jusqu'à ce que son doigt presse la gâchette de son arme et que s'écroule, sans vie, l'un de ses agresseurs. Les têtes de ses agresseurs tournaient autour de lui, éclatant de grands rires sadiques, bientôt remplacés par une dizaine de reproductions de sa propre tête qui flottaient elles aussi, le visage tuméfié et le regard empli de toutes les flammes de l'Enfer.

Une main timide le secoue. Petit à petit, il sort de sa léthargie. La peur au ventre, il regarde tout autour de lui, certain qu'il s'agit d'un nouvel agresseur qui en veut à sa vie et à ses maigres possessions. Mais non, il n'y a personne. Sûrement que les quelques personnes qui sont passées par là ont dû détaler comme des lapins quand ils ont vu l'horreur de la scène. Le jeune homme entend des gazouillis. Il y a bien quelqu'un en fait: un nourrisson, d'environ un an. Ce doit être lui qui l'a secoué, ce qu'il a pris pour une main timide n'était que le résultat de la faible force d'un enfant aussi jeune. Le nourrisson, lui, est bien trop jeune pour saisir l'horreur de la situation et c'est avec une joie non dissimulée qu'il patauge dans la mare de sang qui tâche le trottoir. Le jeune homme le saisit par la peau du cou juste au moment où le bébé allait, semble-t-il, approcher sa bouche de la mare, sûrement pour s'abreuver du goût du sang. Il est tenté de laisser ce monstre assoifé de sang un peu plus loin, mais il réalise rapidement que ce qu'il prend pour un geste horrible est tout simplement normal: le bébé n'a pas dû boire depuis la veille, il voit un liquide et, logiquement, veut s'en abreuver.

Le jeune homme a décidé qu'il était temps de quitter ce lieu d'horreur et de reprendre sa route. Il hésite sur la marche à suivre avec le bambin et se demande s'il doit le laisser là. Cependant, une foule de remords l'envahisse, il vient de tuer un garçon d'une balle en pleine tête, il ne peut pas laisser l'enfant là, livré à une mort certaine.. D'un geste sec, il le prend et le tient au creux de son bras gauche. Encore sous le choc, il ne se rend pas compte du poids de l'enfant qui l'aurait épuisé, en temps normal, en quelques minutes.

La maison de son ami est toute proche, il le sait et se remet à marcher de vive allure, malgré la charge supplémentaire que représente l'enfant. Les rues sont bien plus calmes que le matin même. Les nourrissons ont compris que pleurer toutes les larmes de leurs corps ne suffira plus à amener l'attention d'un adulte sur eux. Mais, surtout, c'est la chaleur étouffante, très inhabituelle pour un mois de février qui a dû cloîtré chez eux la plupart des personnes. Le jeune homme avance lentement, il se sent épuisé et, surtout, il doit fréquemment enjamber les corps de dizaines de personnes qui jonchent le trottoir. Beaucoup de ces personnes sont visiblement mortes sur place, lorsque la catastrophe a frappé, mais il lui apparaît clairement aussi que des corps ont été jetés par les portes et les fenêtres des demeures qui bordent les rues. Les vivants ont déjà commencé à se débarasser des morts.

Le jeune homme, portant toujours le bambin, est arrivé devant chez son ami. Frénétiquement, il tambourine sur la porte. La peur qu'il avait de revoir ses amis et qui l'habitait encore le matin même a maintenant totalement disparu, l'urgence de la situation l'ayant vidé de ce genre de sentiments handicapants. Il voit un rideau se soulever et quelqu'un le fixait, il ne le reconnaît pas. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvre et en surgissent trois hommes, visiblement furieux, qui lui sautent dessus. Essayant tant bien que mal de protéger l'enfant qu'il tient, il tombe à terre, tandis que la lame effilée d'un couteau se retrouve bien vite appuyée sur sa gorge.

"Mat, putain, arrête, c'est moi, Jean!" crie le jeune homme. Sa première pensée est que ses amis ne lui pardonnent pas ce qui est arrivé à son meilleur ami et veulent le faire payer pour être responsable de sa mort. Mais, il chasse cette idée et comprend de suite pourquoi ils réagissent ainsi. Ils ne l'ont pas reconnu et, pour cause, son visage et ses habits sont recouverts du sang de l'adolescent qu'il a abattu et du sien qui a coulé par ses plaies. Au lieu de le reconnaître, ses amis n'ont vu en lui qu'une forme sanguinolente.

"Mat! Pierre! C'est moi, Jean!" crie-t-il à nouveau aux deux amis qu'il a reconnu. Petit à petit, l'étreinte qu'ils exerçaient sur lui se relâche, le couteau sous sa gorge s'éloigne. Malgré le sang qui cache son visage, ils l'ont reconnu. Ils sont maintenant debouts, autour de lui. Jean sait que c'est le moment de vérité, il se demande s'ils vont l'aider ou l'abandonner pour le faire payer de ses erreurs. Une main charitable est tendu vers lui, il la saisit et s'en aide pour se relever. L'un d'eux, avec ce qu'il semble être de l'émotion, le serre brièvement dans ses bras.

- Merde, Jean, tu nous as fait peur! On a failli te tuer!
- Faut pas faire ça, mec, arriver plein de sang chez les gens...Allez, entre...

Jean est soulagé. S'il avait craint être mal accueilli, ce n'était pas le cas. Lentement, il suivit ses amis à l'intérieur de la maison. Ou plutôt de ce qui fut une maison et qui n'est plus qu'un joyeux capharnaüm. Plus d'une dizaine de sacs remplis de vêtements et de provisions encombrent l'entrée. Des bruissements de conversation, des cris, des pleurs et des bruits de course lui parviennent de tous les recoins de la maison. Il est difficile de trouver de la place, ne serait-ce que pour avancer, tellement la maison est remplie de monde. Finalement, les trois personnes qui lui avaient réservé l'accueil spécial dont il a eu droit et lui arrivent dans la cuisine, qui forme visiblement un havre de paix dans cette maison.

"On a interdit aux enfants de venir dans la cuisine. Ils pourraient chiper de la nourriture et, au moins, ça nous fait un endroit au calme" lui dit Mathieu, alias Mat, le propriétaire de la maison, tout en lui tendant un linge mouillé que Jean prend avec gratitude. Il commence à se nettoyer grossièrement le visage, alors que Mat continue à parler: "Ils sont tous venus ici, je ne sais pas pourquoi. C'est la maison la plus grande et il y a une piscine, mais maintenant, avec toi et ton gosse, on est presque vingt, ça commence à faire beaucoup. On est tous allés chercher nos petits cousins ou nos neveux, c'est pour ça que ça gueule là-haut.". Jean hoche la tête: effectivement, vingt personnes dans une maison avec seulement trois chambres, c'est beaucoup.

Après plusieurs minutes où il se frotte frénétiquement le visage, Jean peut enfin s'asseoir sur une chaise. En plus des trois premiers qui l'ont accueilli, d'autres personnes sont entrées. Il y a Mathieu, le propriétaire et accessoirement un grand échalas maigrelet qui fait des études de droit. A côté de lui, se trouve Pierre, celui que Jean avait reconnu quand il le maintenait à terre, et qui ressemble à un lutain bouffi avec son mètre 60 et ses 85 kilos. Le troisième du comité de réception n'est autre que Simon que Jean ne connaît que de loin (Et pour cause, c'est un géant) et qui fait des études d'ingénieur. Pêle-même, parmi les nouveaux arrivants dans la cuisine, il reconnaît Aurélie, la soeur aînée de Mathieu, qui, les dieux sont loués, est une interne en médecine qui ne s'embarasse pas des présentations et se jettent sur lui pour soigner ses blessures. Il y a également Kévin et Vincent, deux autres amis qu'il n'a pas revu depuis près de trois ans.

Ils ont visiblement tous envie de savoir pour quelles raisons Jean est arrivé dans cet état. Succintement, il leur explique, essayant de rassembler tout ses souvenirs pour leur faire un récit complet jusqu'au grandiose final:

- C'est là que j'ai sorti mon flingue et que je lui ai tiré dessus...
- T'as un flingue?!?

Sans un mot de plus, Jean sort le premier pistole qu'il a utilisé tout à l'heure et qui est recouvert de sang et le pose sur la table. Lentement, il prend ensuite son sac et en extirpe la deuxième arme qu'il a trouvé dans la voiture de police. Tout aussi silencieusement, Mathieu et Simon prennent chacun une des armes et les enfournent dans leur poche.


Quelques jours ont passé depuis l'arrivée de Jean dans la maison. Depuis la perte de ses deux pistolets, il a essayé de se faire le plus petit possible et de se rendre utile. Il a bien compris que le fait que Mathieu et Simon lui prennent ses armes sans lui laisser le choix avait pour but de lui faire comprendre qu'il ne dirigeait rien en cette maison et que les mâles dominants n'étaient autre que Mathieu et Simon. Jean n'avait pas essayé de résister, il savait qu'il n'était pas de taille. Et puis, il avait un autre problème, de bien plus grande importance. En effet, il avait été décidé dans la maison que la distribution de nourriture se ferait en fonction de l'apport initial qu'on avait fait. Comme Jean, ainsi que le garçonnet qu'il avait ramené et qu'il avait prénommé Robert, comme son père, était arrivé dans la maison avec aucune vivre, ils étaient toujours les derniers à recevoir leurs rations. Robert n'avait que quelques miettes de légumes à se mettre sous la dent, tandis que Jean, s'il avait eu le droit à quelques morceaux de viande les premiers jours, puisqu'il fallait manger tout ce qui était périssable, faute d'électricité, n'avait maintenant plus le droit qu'à trois ou quatre pommes de terre par repas. La conséquence de ces privations se firent rapidement sentir: Jean était continuellement épuisé, même s'il continuait à effectuer ses tâches à l'intérieur de la maison comme Mathieu et Simon l'obligeaient, alors que Robert, le pauvre enfant, passait la majeure partie de son temps à dormir.

Outre la nourriture, l'eau posait également problème. Mathieu possédait bien une piscine dans le jardin de la maison, mais il avait été décidé qu'elle ne servirait qu'à être bu. Simon, lui, avait déclaré qu'en raison de ses études d'ingénieur, il lui serait très facile de fabriquer un alambic pour purifier l'eau qu'ils trouveraient. Après plus d'une journée de bricolage dans la cave de la maison avec tous les récipients en verre qu'il avait pu trouver, il ne livra qu'une très pâle copie d'alambic qui, s'il fonctionnait, ne produisait qu'une eau saumâtré, proprement imbuvable. La conséquence de ce rationnement de l'eau était qu'en plus d'une semaine, aucun d'entre eux ne s'était lavé et qu'une réelle puanteur s'élevait de la maison qui était très largement accrue par la présence dans la maison d'une dizaine d'enfants, dont les plus jeunes étaient rarement changés, tandis que les autres avaient pris l'habitude de faire leurs besoins un peu partout. Il n'était pas rare, alors que Jean travaille dans le jardin qu'il marche sur une déjection humaine, laissée là par un de ces pouilleux de garnement. Aurélie, la soeur de Mathieu, en tant que seule fille de plus de douze ans de la maison, avait été d'office chargée de s'occuper des enfants, tâche qu'elle avait bien vite abandonnée devant l'impossibilité de canaliser l'énergie d'une telle bande qui était obligée de rester confinée à l'intérieur de la maison. Le seul et unique avantage, en matière de salubrité de la maison, est que personne n'y était mort, les parents de Mathieu et d'Aurélie n'étant pas en ville quand la catastrophe était survenue.

Deux autres personnes les avaient rejoint. Il s'agit d'Henri et de Charles, deux frères qui étaient les cousins d'environ 18 et 17 ans d'Aurélie et de Mathieu. Après Aurélie, Jean était le plus âgé de la maison, mais ce n'était pas le plus important. En effet, Henri et Charles venaient d'une autre ville que la leur et étaient venus ici puisqu'Aurélie et Mathieu étaient la seule famille qu'ils leur restaient. Leur arrivée leur permit de savoir une chose: que ce n'était pas seulement leur ville qui avait vu tous les adultes être décimés, mais l'ensemble des villes. Henri et Charles avaient marché pendant plus d'une trentaine de kilomètres et, durant ce trajet, le constat était partout pareil: tous les adultes étaient morts.

Jean était conscient de la précarité de sa situation. Il était considéré comme un sous-fifre à l'intérieur de la maison et il était bien conscient que si la situation perdurait, la faim et la soif l'auraient tué au bout d'une ou deux semaines de plus à ce régime. Néanmoins, une chose le consolait, avec l'arrivée d'Henri et de Charles, le total des occupants de la maison était de 23. Malgré le strict rationnement en place, les provisions de nourriture diminuaient à vue d'oeil. Ce n'était plus qu'une question de jours avant que toutes les provisions aient été mangées. C'est pourquoi Mathieu et Simon, les dirigeants auto-proclamés de la maison, convoquèrent tous les adultes, ou plutôt tout ceux qui étaient considérés maintenant comme des adultes, c'est-à-dire tout ceux ayant plus de douze ans, à une réunion. C'est ainsi que se réunirent, dans la cuisine, treize personnes de Gaëlle, 13 ans, à Aurélie, 20 ans.

- La situation est grave. Nous sommes trop nombreux et nous n'aurons bientôt plus de nourriture, commença Mathieu
- Nous avons deux choix: soit on va trouver de la nourriture à l'extérieur, soit on vire certains d'entre vous, renchérit Simon

Jean ne se faisait pas d'illusion, il savait qu'il ferait partie des premiers exclus. Aurélie, elle, aut un hoquet de surprise, sachant très bien que parmi les autres victimes, se trouveraient tous les enfants n'étant pas de la famille de Mathieu ou de Simon. L'idée des deux dirigeants étaient clairs: les enfants étaient des bouches inutiles à nourrir, alors s'ils n'avaient aucun attachement envers eux, il n'y avait aucune raison de les garder. Tous les deux se préparaient à livrer bataille contre Mathieu et Simon contre leur idée d'exclure des habitants, mais il s'avéra que l'ensemble des autres habitants étaient de leur avis et qu'il fallait essayer de trouver de la nourriture supplémentaire avant de prendre des décisions extrèmes.

"Bien, il y a un supermarché pas loin. Simon, Pierre, Henri, Charles et Jean, prenez des sacs et une arme, on part tout de suite" conclut Mathieu.

Jean, heureux de la tournure des événements, se leva précipitamment et entreprit de préparer ses affaire. Quelques minutes plus tard, il avait un sac à dos, pour prendre des provisions, un couteau à la ceinture et aussi une masse rudimentaire, composée d'un bout de bois à l'extrémité duquel il avait essayé d'attacher le plus solidement possible une pierre. Tous les autres s'étaient équipés pareillement, avec des couteaux et même une vieille épée pour Charles. Ils étaient prêts à se battre, car, même s'ils n'étaient pas sûrs de devoir le faire, chacun d'eux avait entendu les cris qui perçaient chaque nuit, provenant des maisons qui étaient pillés par des bandes organisées.

En file indienne, avec Mathieu et Simon, pistolet au poing, en tête, le groupe se mit en route vers le supermarché voisin. Le parcours fut plus que pénible et épuisant. La chaleur était toujours aussi forte et était accentuée par le masque qu'ils étaient obligés de porter pour se protéger de l'odeur fétide et maintenant très forte des corps en décomposition. Il fallait enjamber des dizaines de corps, voire même rebrousser chemin quand une rue leur parut complètement impraticable, les gens ayant décidé d'y entasser les corps de leurs parents décédés.

Au bout d'une heure, ils avaient réussi à parcourir les trois kilomètres qui les séparaient du supermarché. Ils n'avaient pas fait un pas à découvert qu'une balle faucha Pierre, le clouant au sol. Il n'était pas mort, mais, tout de même, sérieusement blessé. Apparemment, le supermarché était occupé par une autre bande. Ils restèrent tous interdits, ne sachant que faire et attendant la prochaine salve, mais rien ne vint. Alors, comme des furies, le petit groupe se rua sur le supermarché.

Le premier des opposants à tomber était justement le tireur, caché dans un bosquet. Par chance, son arme semblait s'être enrayée, l'empêchant de tenir à distance le petit groupe. D'un mouvement presque naturel, Simon leva son arme et lui tira dessus, l'abattant de trois balles dans le ventre.

Jean assistait à la scène comme un zombie. Il voyait ses camarades truicider littéralement les occupants du supermarché qui avaient été surpris par leur attaque et purent opposer qu'une pitoyable résistance. Mathieu et Simon arrosait leurs adversaires d'une pluie de balles qui faucha plusieurs d'entre eux; Charles, avec son épée, semblait sorti tout droit du Moyen-Âge et donnait maints coups d'épée à droite et à gauche, blessant deux ou trois adversaires et en tuant même un, le décapitant à moitié; Henri, quant à lui, se précipitait sur les blessés pour les achever. De son côté, Jean, lui, restait caché derrière un arbre, il refusait de regarder ses amis, ses camarades se transformaient en monstres assoiffés de sang. Jamais il n'avait imaginé qu'un être humain puisse se transformer ainsi pour défendre sa vie.

L'affrontement ne dura pas plus de deux minutes. La victoire était éclatante. A part Pierre qui avait reçu une balle dès le début du combat et Henri qui avait reçu un coup de couteau dans la jambe de la part d'un blessé qu'il voulait achever, ils étaient tous indemnes. Sans attendre, le pillage commença. Visiblement, ce petit groupe s'était également livré au pillage chez d'autres personnes, parce qu'il y avait une quantité incroyable de provisions, bien plus qu'un supermarché ne contenait normalement et bien plus qu'ils ne pouvaient en porter. Jean, lui, était allé chercher Pierre. Il n'avait reçu qu'une balle dans l'épaule finalement et Jean s'employait à stopper l'hémorragie quand il remarqua que Mathieu le regardait fixement.

"Viens ici, Jean!" lui ordonna Mathieu! "J'ai vu que tu n'as pas participé au combat...T'es un putain de lâche!"

Jean ne savait pas quoi répondre. Il ne connaissait pas la réponse à cette question. Il était peut-être lâche, mais il avait été aussi complètement paralysé par la violence de ses amis.

"Tue le" lui dit Mathieu en lui tendant un couteau d'une main et en pointant un prisonnier encore vivant de l'autre. "On ne peut pas laisser de survivants!". Jean, encore une fois, était sous le choc, presque au bord des larmes. La semaine précédente, il avait dû tuer quelqu'un, mais ça avait été une question de vie ou de mort, soit lui, soit ses agresseurs.

"Tue le ou tu y passes aussi" lui répéta Mathieu en lui mettant le couteau dans la main.
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Message  Archives nationales Mar 16 Juin 2015 - 11:55

SURVIE: Episode 3


Résumé de l'épisode précédent:
Jean a retrouvé ses anciens amis qui ont formé une communauté dans la maison de l'un d'eux, Mathieu, qui en est devenu le leader. La situation de Jean est très précaire au sein du groupe: n'ayant pas apporté de vivres à son arrivée, le bambin qu'il a pris sous son aile et lui-même ne reçoivent que très peu de nourriture. En outre, les conditions de vie dans la maison sont exécrables et, bientôt, les rations alimentaires viennent à manquer, obligeant le groupe a organisé un raid contre un supermarché proche. Malheureusement, ce supermarché est déjà occupé par une autre bande qui donne du fil à retordre et force le groupe à les attaquer, non sans subir quelques pertes. Seul l'un des adversaires a survécu et Mathieu veut obliger Jean à le tuer, puisque celui-ci n'a pas pris part au combat.



Jean se trouve au milieu de la rue, un couteau dans une main et, de l'autre, il tient le prisonnier par les cheveux. Il hésite. Il sait qu'il doit exécuter le malheureux s'il souhaite rester en vie, car, Mathieu, las d'attendre, a sorti son arme et le tient en joue, visiblement prêt à tirer sur lui s'il ne lui obéit pas. Les autres qui, quelques secondes plus tôt, pillaient avec joie les réserves du groupe vaincu, se sont arrêtés et observent la scène. Simon, le second de Mathieu, arbore un sourire vicieux, il semble content de ce qui est en train de se passer. Les autres, eux, sont bien plus horrifiés: tuer des ennemis ne les a pas gêné, mais là, ils ne semblent pas être d'accord avec le fait de tuer l'un des leurs. Charles tente même de s'interposer, mais il est rudement repoussé par Simon.

Jean n'a pas le choix, il va falloir qu'il exécute le prisonnier s'il veut sauver sa propre vie. Le regard dément de Mathieu l'y oblige. D'une main faible, il applique le couteau sur la gorge du prisonnier. Les secondes défilent et semblent être des heures. Puis, pris d'une inspiration soudaine, comme mu par une force inconnue, il assomme le prisonnier du manche de son couteau et entreprend, alors que celui-ci est inconscient, de lui trancher la langue. Tous, à l'exception de Mathieu, sont paralysés par l'horreur de la situation, ils n'auraient jamais cru possible que Jean ait le courage ou plutôt la folie de faire cela.

- S'il n'a pas de langue, il ne pourra pas dire qui nous sommes et où nous allons! s'exlame Jean, dans un grand cri qui respire la démence. Le bourreau qu'est devenu Jean ne sait pas réellement pourquoi il a fait ça, il y a juste vu une opportunité d'épargner la vie du pauvre garçon qu'il devait tuer. Il se rend aussi compte que, le dos au mur, il est capable de toutes les atrocités.

Le spectacle terminé, tous les autres reprennent leur travail et emplissent leurs sacs de vivres. Mathieu, lui, regarde fixement Jean, un air méchant dans le regard. Puis, il s'avance lentement et, d'une main sûre, dénuée de tremblements, il tire de sang-froid dans la tête du prisonnier, toujours inconscient. Jean, les mains et les habits couverts du sang de la victime, hoquète de surprise.

- Lui couper la langue ne suffit pas, abruti! Il aurait très bien pu nous suivre après et amener d'autres personnes chez nous. Si tu voulais vraiment éviter de le tuer, tu aurais aussi dû lui crever les yeux, voire lui couper les pieds, lui lâche Mathieu, totalement sérieux. Au moins, tu as la vie sauve, parce que je trouve qu'il faut vraiment être taré pour faire ce que tu as fait avec sa langue.

Mathieu est maintenant plus détendu. Il a même l'air heureux de voir que Jean se transformait petit à petit en un monstre qui lui ressemblait. Sans dire un mot de plus, les jambes flageolantes et les larmes aux yeux, Jean retourna auprès de Pierre, toujours au sol après avoir reçu une balle lors de l'assaut contre le supermarché. Le jeune homme a l'impression que s'il sauve la vie de Pierre, qui semble bien mal en point, malgré ses premières constatations, il compensera cette vie qu'il a indirectement ôté. Mais il sent également qu'une part de son humanité a disparu, lui a été arraché par Mathieu qui l'o obligé à commettre un acte immonde. Tout en comprimant la blessure de Pierre, il laisse de sombres pensées s'emparer de luiqui lui révèlent une chose dont il est sûr et certain désormais: il sait qu'il est prêt à tout, qu'il peut tout faire. Quand on côtoie un monstre comme Mathieu, il faut se mettre à son niveau et devenir soi-même un monstre.

Simon, sur ordre de Mathieu, siffle, signalant le départ de la troupe. Les sacs sont remplis de provisions et le groupe se met lentement en chemin vers la maison, retardé par Jean, presque obligé de porter Pierre qui est incapable de se déplacer seul.


Deux mois se sont maintenant passés depuis la Catastrophe. La situation dans la maison s'est largement améliorée pour Jean. L'animosité de Mathieu et Simon envers lui est retombée et, petit à petit, il leur est devenu presque indispensable. Tout d'abord, avec l'aide d'Aurélie, le jeune homme a pris l'initiative d'établir des règles de propreté au sein de la maison qui la rend beaucoup plus habitable. Des commodités ont notamment été aménagés dans une demeure voisine qui fait que leur propre maison ne dégage plus cette horrible odeur pestilencielle. Ensuite, la bruyante meute d'enfants a été matée par Jean et surtout par Mathieu qui n'a pas hésité à en battre certains pour les effrayer et les tenir tranquilles, à tel point que ceux-ci passent la majorité de leurs journées dans un silence assourdissant et sans presque bouger de la pièce qui leur est réservé. Mais, ce qui a surtout amélioré la situation, c'est que, renforcé dans leurs certitudes de pouvoir s'en prendre à d'autres groupes, les hommes de la maison n'hésitent plus à sortir et à se livrer au pillage. Ils ont l'avantage de l'âge qui les rend plus rusés et plus forts que la plupart des autres groupes, constitués de membres plus jeunes qui, souvent, voient défilés leur horde dans la peur.

Jean, lui, a développé deux façettes de sa personnalité. Au sein de la maison, il essaye de se montrer prévenant et d'aider ceux qui en ont besoin, notamment les enfants. Mais, à l'intérieur, la bête sauvage qu'il est devenu, au contact de Mathieu et de Simon, ressort et il n'hésite plus à se livrer à des actes dont il ne se serait jamais cru capable. Ainsi, la veille, ils avaient attaqué un appartement où s'était refugié un groupe de cinq personnes avec une quantité incroyable de vivres. L'un d'eux, un adolescent d'à peine treize ans, avait essayé de résister, alors même qu'il était désarmé, ce qui ne manque pas de courage, surtout qu'au fil des pillages, la troupe de Mathieu avait acquis suffisamment d'armes à feu pour qu'ils en aient chacun une, voire plus. Jean, entré le premier, n'avait eu aucune hésitation quand le garçon avait essayé de résister. Il avait ouvert la fenêtre et l'avait jeté du haut du cinquième étage. Son acte ne lui avait pas paru si choquant que cela, pas même quand il avait entendu le fracas que le corps avait produit quand il s'était écrasé au sol. C'était maintenant le quotidien du groupe: chaque jour, Mathieu, Simon, Henri, Charles et Jean repéraient une habitation occupée et allait la piller. Pierre ne venait plus avec eux, la blessure qu'il avait reçu lors de leur première sortie s'étant infecté, il n'était plus d'aucune utilité.

Ces semaines de pillage et d'exactions avaient radicalement transformés Mathieu et Simon. Dès les premiers jours suivants la Catastrophe, ils s'étaient montrés cruels, mais leur attitude avait maintenant largement dépassé les limites de la cruauté. Tout n'était plus que jeu pour eux et ils y éprouvaient une joie non dissimulée qui faisait peur.

Malgré cela, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour Jean, si ce n'était ses cauchemars qui le tenaient éveillé une bonne partie de la nuit. Cela avait commencé avec des rêves étranges qu'il ne comprenait pas et qui le laissait songeur. Puis, au fur et à mesure, ses rêveries s'étaient précisés, étaient devenus de réels cauchemars qui représentaient tout ce qu'il avait fait depuis la Catastrophe, de la mort de son agresseur le premier jour à cet enfant sur lequel il avait marché lors d'un raid il y a une semaine. Il était sûr que ses victimes venaient le hanter et elles auraient eu raison de le faire, il en était conscient. Ainsi, Jean se réveillait presque chaque nuit, le torse baigné de sueurs nocturnes, le coeur au bord des lèvres, effrayé par toutes les horreurs qu'il avait commis quand sa bête intérieure s'exprimait. Il aurait bien voulu en parler à quelqu'un, mais il était difficile de le faire, car la routine de l'atrocité ne souffrait d'aucun état d'âme. La seule personne qui pouvait comprendre n'était autre qu'Aurélie, seule femme de la maison et soeur de Mathieu. C'est pourquoi, au lendemain d'un cauchemar qui l'avait presque rendu fou, il se confia à elle.

- Aurélie, je dois te parler
- Qu'est-ce qu'il y a?
- Est-ce que tu sais ce que l'on fait quand on part en expédition?
- J'ai déjà dit que je ne voulais pas le savoir!
- Il faut que tu saches! C'est...horrible...
- Non, non et non! Si tu veux en parler, fais le avec Mathieu!
- Il n'est plus comme avant...Tu ne l'as pas vu dehors toi...
- Je sais qu'il a changé...


La jeune femme n'en dit pas plus et se contente de partir vaquer à d'autres occupations. Jean est persuadé que si elle ne veut pas en savoir plus, c'est justement parce qu'elle se doute très bien de ce qu'il se passe quand la troupe sort en expédition à l'extérieur de la maison. Cela n'a empêché à personne, parmi ceux qui ne quittent jamais la maison, que ceux qui font les raids ont changé, sont devenus beaucoup plus froids et sombres. Certains, comme Henri ou Charles, sont très peu différents d'avant; Jean, lui, est bien plus silencieux et songeur; tandis que Mathieu et Simon ressemblent à de réels démons ivres de violences et de sang, même à l'intérieur de leur habitation. Mathieu marque même, après chaque raid, sur un tableau le nom de celui qui a été le plus méritant. En fait, il ne s'agit pas de celui qui a fait le mieux, mais seulement de celui qui a été le plus violent. Dans l'esprit pervers de Mathieu, la violence équivaut à une qualité. Sur la cinquantaine d'expéditions que la troupe a fait, Mathieu et Simon ont eu la plupart des fois l'honneur du tableau de mérite. Jean arrive en troisième position. La semaine précédente, Simon a ajouté une nouvelle donnée au tableau d'honneur: un compte de points. Il consiste en une horreur pure et simple: à chaque fille forcée, l'auteur gagne des points. Pour le moment, seul Simon en a. Même Mathieu trouve la pratique plus que discutable, mais il est vrai que pour lui, un viol n'est pas la chose la plus horrible qu'il lui arrive de faire.

Paradoxalement, alors que les hommes de la maison sont devenus des sortes de monstres qui tuent, pillent et violent, la seule femme de la maison se rend fréquemment à l'extérieur pour prodiguer des soins à ceux qui en avaient besoin. Ses connaissances d'étudiante en médecine et ses faibles moyens font qu'elle ne peut que faire très peu, mais elle le fait tout de même. Selon elle, cela permet de soulager bien plus les esprits que les corps. Pour cette raison, Jean a développé un certain sens du respect et de l'admiration à son égard, ce dont elle lui est reconnaissante, étant donné que la plupart des autres habitants mâles du groupe la traitent comme leur servante, de par son statut de seule femme de la maison. Il lui arrive donc fréquemment de visiter des groupes qui lui font confiance et d'y soigner des blessures bégnines, de recoudre quelques plaies ou de panser des abcès. Ce qu'elle ignore toutefois, c'est que Mathieu la fait suivre par Simon pour que ce dernier repère les groupes intéressants à piller. Jean le sait, tous les hommes du groupe qui font les raids le savent, mais aucun n'a osé le lui dire, terrifié par la réaction que pourrait avoir Mathieu.

C'est au retour d'une de ses sorties sanitaires qu'Aurélie annonce, l'air grave et desespéré:

- Je ne peux pas être certaine, mais je crois que le choléra est en ville...


Le choléra...

Il y a quelques temps, ils avaient déjà tous discuté de la possibilité que des maladies se propagent. Aurélie avait même déclaré qu'elle trouvait fort étonnant que cela n'arrive pas plus tôt. En effet, la résultante des centaines de cadavres pourrissant dans les rues et dans les maisons ne pouvait être que le déclenchement d'une épidémie. Personne n'avait essayé d'enterrer les corps, bien trop nombreux, et ceux qui voulaient le faire, s'étaient contentés de brûler quelques cadavres et, principalement, de les jeter dans la rivière proche de la ville, rendant son eau impropre à la consommation.

La réaction de Mathieu ne se fait pas attendre. Lui qui n'avait pas peur lors de combats avec d'autres humains semble effrayé par la possibilité d'être touché par une maladie contre laquelle il ne pouvait rien.

- Il faut partir tout de suite! Préparez les sac! Prenez les vivres, les armes, les munitions, seulement ce qui est nécessaire!
- Je ne peux pas partir, lui répondit sa soeur, d'un ton ferme.
- Pourquoi?
- J'ai des patients ici et, puis, Pierre ne peut pas partir!
- Putain, rien à foutre de Pierre...Et tes patients, on va les buter dès qu'on en a l'occasion.

Jean est surpris de voir qu'Aurélie ne semblait pas plus étonnée que cela de l'aveu de Mathieu. Il se doute qu'elle sait que Mathieu l'avait fait suivre par Simon et qu'après, ils profitaient des découvertes du second du groupe pour organiser des razzias. La jeune femme bouille toutefois de colère à l'encontre de son frère.

- Connard!

Mathieu sursaute quand il entend l'insulte que lui envoie sa soeur. Elle, si docile, ne l'a jamais insulté. Il est sur le point de répliquer avec violence quand il se rend compte que ce serait inutile.

- Reste si tu veux, soeurette, mais nous, on part.

Jean est sur le point d'intervenir en faveur d'Aurélie qu'il a toujours apprécié, mais celle-ci, sentant qu'il allait intervenir, secoue la tête en le regardant, lui intimant, dès lors, de se taire. Le jeune homme lui répond par un hochement de tête résigné. Il voudrait rester, mais il sait qu'il ne peut pas: en restant, il se condamnerait à mort, comme le fait Aurélie en s'obstinant à ne pas vouloir partir d'une ville où elle se fera sûrement attaquer au pire ou attrapera une maladie mortelle au mieux.

En quelques heures, le groupe est prêt à partir. tous sont chargés comme des mules de sacs de plusieurs dizaines de kilos, contenant tous les vivres qu'ils ont pu prendre. Même les enfants sont obligés de porter une partie de leurs possessions. Sans même dire un adieu à sa soeur, Mathieu annonce le départ du groupe qui se met en route. Jean, qui ferme la marche, contemple pendant quelques secondes la maison qui les a abrité pendant deux mois, non sans avoir une pensée pour Pierre, que la gangrène qui a envahi tout son bras empêche de venir avec eux, et Aurélie, la si gentille Aurélie, qui reste là pour veiller sur Pierre et sur les autres pauvres âmes qui continuent à habiter cette ville dévastée.

La marche est pénible. Jean porte, au bas mot, une trentaine de kilos dans son sac, mais également le bébé qu'il a sauvé sur le devant, accroché à lui par un ensemble de cordages qu'il a mis au point et qui le gêne vraiment pour pouvoir porter son fusil, le même qui a blessé Pierre lors de l'assaut contre le supermarché et qui s'était enrayé dans les mains de leur adversaire, coup de chance qui leur avait permis de remporter la victoire sans aucun doute. Jean l'avait réparé et il était en parfait état. Malheureusement, aujourd'hui, il le gêne plus qu'autre chose, surtout qu'au poids qu'il porte, il doit ajouter le calvaire de surveiller le troupeau d'enfants qui est juste devant lui et dont on lui a confié la charge. Il aurait préféré être à l'avant, pour repérer le terrain, mais Mathieu lui a ordonné de fermer la marche.

Personne ne sait réellement où ils vont. Mathieu et Simon ont seulement décidé qu'ils allaient se diriger vers la campagne profonde à environ deux cent kilomètres de leur ville d'origine. Jean est d'accord avec eux, c'est là qu'il faut s'installer, dans un endroit plus calme et plus à l'abri des épidémies. Néanmoins, il est conscient qu'une moitié des enfants du groupe ne survivraient pas à deux cent kilomètres de marche, surtout si des obstacles se présentent sur la route. Le groupe marche depuis deux heures et est à peine sorti de l'agglomération de leur ville que les plus jeunes enfants capables de marcher montrent déjà de sérieux signes de faiblesse. Si le départ n'avait pas été si précipité, ils auraient pu construire une sorte de chariot, tiré par l'un d'eux, pour mettre les enfants les plus faibles, voire même pour mettre Pierre dessus, ce qui aurait convaincu Aurélie de les suivre. Mais Mathieu en avait décidé autrement.

La nuit est sur le point de tomber quand Henri, qui fait office d'éclaireur cent mètres devant eux, leur adresse de grands signes. Aussitôt, la caravane s'arrête et tous se mettent accroupis, y compris les enfants que Jean intime au silence. Prudemment, Henri revient vers la tête du groupe en même temps que Jean remonte la colonne pour pouvoir avoir lui aussi les raisons de cet arrêt. Henri arbore un sourire carnassier:

- Un petit camp...Cinq gars qui se sont arrêtés là pour la nuit...[Son sourire s'agrandit]...Ils ont une sorte de roulotte tirée par un cheval...

Mathieu hoche la tête. Chacun sait ce qu'il a en tête: attaquer ce groupe. Cette fois-ci, ce n'est pas sa soif de sang qui veut s'exprimer, mais uniquement la convoitise qu'il éprouve pour la roulotte qui faciliterait bien le voyage.

- Henri, tu as vu s'ils sont armés?
- Ouais, ils le sont. J'ai vu plusieurs fusils accrochés à la roulotte.
- Bien...On va devoir y aller intelligemment les gars, pas les attaquer de front.

Mathieu distribue ses ordres. Une nouvelle fois, la chance a voulu que les types de la roulotte se soient installés à côté d'un sous-bois. Un à un, cinq hommes de la troupe, dont Jean, s'enfoncent sous la protection des arbres, attentifs à ne faire aucun bruit. Chacun est conscient de l'enjeu de la prise et essaye de ne pas faire rater l'attaque. Au bout de cinq minutes, ils sont tous en position. Mathieu a déjà attribué à chacun quel adversaire il allait devoir abattre. Mathieu émet un léger sifflement, c'est le signal: Jean, qui avait sa cible en visée, tire et réussit à l'abattre du premier coup. La plupart des autres ont la même chance. Il faut dire que désormais, ils ont beaucoup d'entraînement au tir. Seul Simon a raté sa cible qui se trouve juste à côté de celle qu'a abattu Jean. Celui-ci n'hésite pas une seconde et tire une seconde fois, mettant un terme à la vie de l'unique survivant adverse. Le second de Mathieu jette un regard glacial à Jean qui ne le remarque pas. Visiblement, il semble furieux de s'être vu privé de sa victime.

Comme toujours après un massacre facile, les hommes sont rieurs. Ils se précipitent sans plus de cérémonie pour dépouiller leurs victimes des effets personnels qu'ils avaient et notamment leurs armes qui enrichissent encore plus l'arsenal du groupe. Jean, lui, goûte peu ce dépouillage et préfère aller voir de plus près la roulotte. Alors qu'il s'en approche, il entend du bruit à l'intérieur. Sans plus réfléchir, il épaule son fusil et tire un coup en l'air.

- Sortez de là ou je vous tire dessus!

La roulotte est maintenant silencieuse, mais personne n'en sort. Prudemment, il avance, tenant toujours en joue l'arrière de la roulotte. Son instinct lui dit qu'il n'a rien à craindre et soulève donc la bâche qui cache l'arrière. La découverte qu'il fait lui arrache un hoquet de surprise. Dans la roulotte, se trouve cinq jeunes filles, vêtues de guenilles et attachées à une barre de fer solidement ancrée dans le bois du véhicule. En le voyant arrivé, le fusil pointé vers elles, plusieurs filles se mettent à crier, d'autres pleurent bruyamment. Elles pensent leur dernière heure arrivée. Jean monte dans la roulotte et, sans réfléchir, coupe la corde qui les attache toute à la barre de fer avec son couteau qu'il garde attaché à sa jambe. D'un seul mouvement commun, les filles se lèvent et se jettent dehors, le bousculant. Le temps qu'il se relève, elles se sont déjà mises à courir à toute allure pour fuir le petit campement. Les autres, trop occupés à nettoyer les corps des hommes morts, n'ont pas eu le temps de réagir et regardent, interloqués, les jeunes femmes les fuir. Mathieu rigole doucement en voyant l'air surpris de Jean, tandis que Simon arbore un visage qui semble étrangement triste.

- Au moins, on a la roulotte, leur lance Jean tout en montant à l'intérieur.

C'est alors qu'il se rend compte qu'en réalité, toutes les filles n'ont pas fui. L'une d'elles est toujours là, recroquevillée contre l'avant de la roulotte et, apparemment, totalement apeurée par l'apparition de Jean. Celui-ci s'approche doucement et pose sa main sur l'épaule de la jeune femme qui doit avoir à peine dix-sept ou dix-huit ans. Son geste, qu'il veut apaisant, déclenche une réaction immédiate de la fille qui émet un petit cri et se recule encore plus contre la paroi de bois pour éviter que la main de Jean ne la touche.

- Allez, n'aie pas peur, je ne te veux pas de mal...Allez, viens...

Jean, par ses paroles, veut la calmer, mais il n'y arrive pas. A l'extérieur, il entend Mathieu crier que le groupe va rester là pour la nuit, alors même qu'il envoie Henri et Charles chercher le reste du groupe qui s'était caché plus loin, en attendant que l'assaut soit terminé. Jean, épuisé par la marche et la surveillance des enfants, n'a pas envie de faire la fête avec les autres qui veulent célébrer leur victoire. Il leur fait un signe pour leur faire comprendre qu'il va dormir dans la roulotte. Mathieu et Simon éclatent d'un rire gras et vulgaire, pensant que Jean va en profiter pour coucher avec la dernière fille restante, mais ce n'est pas du tout dans l'intention de Jean, qui sort de son sac un morceau de pain qu'il lance à la jeune fille qui semble se calmer. Il s'endort rapidement, non sans avoir attaché la corde qui enserre toujours les poignets de la fille à sa propre ceinture, pour éviter qu'elle ne s'enfuit.

Le lendemain, à l'aube, Jean s'éveille, le dos courbaturé d'avoir dormi dans la roulotte. Le camps est calme et il doit probablement être l'un des premiers réveillé. La première chose qu'il fait est de vérifier que la fille est toujours là. Elle ne s'est effectivement pas échappé et est endormi. Doucement, Jean la secoue pour la réveiller. Quand elle ouvre les yeux, la peur se lit sur son visage, mais, bientôt, elle se calme, consciente que Jean ne lui veut pas de mal. Celui-ci retourne vers son sac et y prend un morceau de chocolat qu'il tend à la jeune femme. C'est un des derniers morceaux de chocolat du pays, se dit-il. Il l'avait gardé précieusement, pour une grande occasion. La jeune fille s'en saisit et le dévore en moins de trois secondes, visiblement très heureuse de goûter à nouveau à du chocolat. Jean, à nouveau, s'approche d'elle et lui dit doucement:

- Je vais te détacher. N'essaye pas de t'enfuir, s'il te plaît.

Elle acquiesce de la tête. Confiant, Jean la libère de ses liens et se prépare à la retenir si elle tente de s'enfuir. Mais elle n'en fait rien et se contente de se frotter les poignets, meurtris par la corde. Jean lui sourit et va chercher une dernière chose dans son sac d'où il tire une chemise et un short qu'il lui tend. Ravie de pouvoir reprendre une apparence plus décente, la jeune fille revêt rapidement les habits.

La scène n'a duré qu'une dizaine de minutes, mais ce laps de temps a suffi pour que tout le monde se réveille dans le camps ou soit réveillé. La collation est rapide et Mathieu donne bien vite le signal. Jean et la jeune fille descende de la roulotte et sont remplacés par les enfants qui semblent ravis, à la fois de voyager dans un véhicule si pittoresque et également de ne plus avoir à marcher. Une nouvelle fois, Jean se retrouve à l'arrière de la colonne, derrière la roulotte. Toutefois, cette fois-ci, la marche est beaucoup moins pénible. D'une part, Jean n'a pas à surveiller que les enfants avancent comme il faut et, d'autre part, il est débarassé du poids de son bambin qui est maintenant porté par la jeune fille qui marche à côté de Jean.

Contrairement à la veille, la journée se déroule sans incidents et le groupe arrive à parcourir une quinzaine de kilomètres avant d'établir un campement pour la nuit. Ils sont tous calmes et conscients des efforts du lendemain, ils se couchent sans tarder. La jeune fille a décidé de dormir à côté de Jean et, avant de se coucher, elle joint ses mains et les tend devant lui. Elle veut être attachée.

- Non, ce n'est pas la peine que je t'attache, je te fais confiance, lui murmure le jeune homme.

La jeune fille sourit timidement. Jean est sur le point de sourire en retour quand Mathieu lui crie, avec force, qu'il sera le premier à effectuer un tour de garde. Le ton de l'ordre n'a pas échappé à la jeune femme qui lance un regard interrogateur en direction de Jean.

- Ne t'inquiète pas, il est toujours comme ça, mais il n'est pas vraiment méchant...[Jean rechigne à lui dire quelle est la vraie personnalité du chef]...Il m'en veut pour un truc qui s'est passé il y a quelques temps...Tu vois, on était très ami tous les deux avec un autre garçon...Un jour, alors que je conduisais, j'ai eu un accident de voiture...Notre ami, qui était avec moi, est mort dans l'accident...J'avais bu...

Jean décide de ne pas en dire plus et la jeune fille, elle non plus, ne demande rien et s'allonge pour s'endormir.
...
...
Un cri!
...
Jean se réveille. Il a dû s'endormir pendant son tour de garde. A nouveau des cris. Ceux d'une jeune femme, pas très loin. Aussitôt, Jean regarde vers SA jeune femme. Elle n'est plus là. Il prend son fusil et se précipite vers le point d'origine des cris. Elle est là, à cinquante mètres du camps, allongée au sol. Simon est au-dessus d'elle, occupé à déboutonner son pantalon. Ses intentions sont claires. Entendant un bruit derrière lui, il se retourne et voit Jean qui l'observe, puis éclate d'un rire sonore.

- Enfoiré de pervers! lui crie Jean.

Il lui saute dessus et le fait rouler à terre. Jean pense avoir remporté la partie, mais Simon ne veut pas lâcher et sort un couteau de sa ceinture et le plante dans la jambe de Jean qui grimace sous la douleur. Le jeune homme cherche son fusil des yeux. Il l'a stupidement lâché quand il a foncé sur Simon, ne pensant pas qu'il en aurait besoin. Simon revient à la charge, il a décidé d'en finir avec Jean et essaye de lui trancher la gorge avec son couteau. Jean y réchappe de justesse et d'une roulade, il se retrouve à la gauche de Simon. Il ne lui faut qu'une seconde pour tirer son couteau attachée à sa jambe droite et à trancher au bon endroit. Simon tombe à terre, Jean lui ayant tranché l'artère poplitée, celle qui alimente sa jambe en sang qui coule maintenant à flot. Simon est incapable de bouger, il ne peut rien faire et la Mort viendra le cueillir. Jean ne peut s'empêcher qu'il n'a que ce qu'il mérite.

Jean se relève lentement. Sa jambe le lance durement et il saigne lui aussi abondamment. D'un coup, il arrache un pan de la chemise de Simon et improvise un pansement pour arrêter le saignement. Cela fait, il se dirge vers la jeune fille et l'aide à se relever.

Ils allaient tout deux retourner vers le camps quand Jean aperçoit Mathieu, qui se tient là à côté du lieu de l'affrontement, un air fou et diabolique au visage. Il a tout vu.
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Message  Archives nationales Mar 16 Juin 2015 - 11:55

SURVIE: Episode 4


Résumé de l'épisode précédent:

Jean a dû fuir, avec son groupe, la ville, vidée de ses adultes et rongée par le choléra, abandonnant à leur sort une partie de ses amis qui ont refusé de partir. Ils ont décidé de se réfugier en rase campagne, à l'écart de toutes traces de civilisation et donc de maladie. Le cheminement est difficile, jusqu'à ce qu'ils tombent sur un autre groupe qui dispose d'une roulotte et qu'ils attaquent pour la leur prendre. La prise est salvatrice, puisqu'elle leur facilite grandement leur voyage. Jean fait également la connaissance d'une jeune fille, prisonnière du groupe attaqué, et la prend sous son aile. A tel point que quand Simon, bras droit de Mathieu, le chef de son groupe, s'en prend à elle, Jean doit tuer Simon, sous les yeux de Mathieu, décidé à se venger.




Mathieu regarde fixement le couple formé par Jean et la jeune fille qui se tiennent tout deux au-dessus du corps de Simon qui continue, lentement, à se vider de son sang. Sur le visage de Simon, nulle trace de vie désormais. Même si Aurélie avait été avec eux, elle n'aurait rien pu faire pour sauver le lieutenant de Mathieu qui, avec une artère tranchée, était condamné d'avance.

Jean hésite sur ce qu'ils doivent faire. Soit ils fuient, soit ils affrontent Mathieu. Une chose est sûre, le chef violent et impitoyable qu'est Mathieu ne leur laisse aucune autre option. Son regard empli d'éclairs de vengeance le confirme. En temps normal, Jean n'aurait pas fui, il savait que se battre contre Mathieu était le meilleur choix, le seul possible pour sa survie, pour celle du groupe. Mais il n'était pas dans son état normal. Cinq minutes auparavant, Simon lui avait planté un couteau dans la jambe et, maintenant, la blessure le faisait souffrir le martyr. Avec une jambe dans sa état, il n'avait aucune chance de vaincre Mathieu qui était nettement plus fort que Jean. De même, la fuite semblait difficile, lent comme il l'était à cause de sa blessure.

Réfléchir plus longtemps était suicidaire, Mathieu avançait déjà vers le couple, prêt à en découdre et à venger Simon. La jeune fille l'a compris et tire violemment sur le bras de Jean qui sort de sa torpeur. A moitié traîné par la jeune fille, Jean fuit aussi vite qu'il peut. Sa jambe est raide, chaque pas de sa course effrénée lui arrache un petit cri de douleur. Il glisse sur le sol, le sang s'échappant de sa plaie ayant rendu ses chaussures peu sûres sur les pierres qui jonchent le sol. Tombé au sol, il croit sa dernière heure arrivée jusqu'à ce que la jeune fille tende son bras, le relève et l'entraîne encore plus rapidement dans sa course. Derrière eux, ils peuvent entendre le souffle de Mathieu qui les poursuit. La chance a voulu que Mathieu n'ait pas pris son arme avec lui et soit obligé de les poursuivre sans pouvoir leur tirer dessus. Cependant, il est plus rapide qu'eux et les rattrape bien vite.

- Je vais vous crevais tous les deux! éructe-t-il avec rage.

La jeune fille, la première à se jeter sur Mathieu, est reçu par un violent coup de poing qui la fait lourdement chuté. Au sol, elle est dans les vapes. Jean, lui, reprend son couteau, le même qu'il a utilisé contre Simon et essaye de se défendre contre un Mathieu hors de contrôle qui s'est déjà jeté sur Jean et le harcèle d'une nuée de coups de poings et de coups de genoux. Jean essaye de se défendre, d'utiliser son couteau, mais Mathieu l'en empêche, maintenant sa main au sol. Il est beaucoup plus fort que lui, surtout depuis que Jean perd son sang à grande vitesse. Les coups ne cessent de pleuvoir, Jean n'arrive plus à se protéger. Il a lâché son couteau, dans le but d'utiliser son bras pour mieux se protéger, mais c'est peine perdue. La bave aux lèvres, Mathieu se déchaîne et Jean voit se rapprocher le moment fatidique où il ne pourra plus se protéger et tombera, raide mort, sous les poings furieux de son ancien chef. Un violent coup le fait même perdre conscience.

La mort est proche.

Puis, soudain, le calme. Un poids sur sa poitrine l'empêche de respirer. Il essaye de s'en débarrasser. Quelqu'un l'aide. Jean reprend conscience: ce poids lourd qui l'écrasait n'était autre que le corps de Mathieu; l'aide, c'était la jeune fille qui, d'une main, fouillait Mathieu et, de l'autre, tenait une pierre ensanglantée dont elle s'était servie pour assommer le fou furieux.

- Il est mort? murmure Jean, d'une voix rauque.

La fille secoue la tête. Jean regarde le corps de Mathieu et voit bien qu'il respire encore.

- A ton avis, on s'en débarrasse? demande Jean à sa compagne.

Celle-ci hausse les épaules. C'est à Jean de prendre une décision. L'envie est forte chez lui d'en terminer avec ce problème en éliminant Jean. Pourtant, il ne se sent pas de trouver le courage de commettre un meurtre de sang-froid, de surcroît sur une victime inconsciente. Le jeune homme hésite. Il pèse les avantages et les inconvénients de faire cela. Lentement, il prend des mains la pierre que tient encore la jeune fille et s'approche du corps inanimé de Mathieu. Il lève le bras et, soudainement, la rabaisse au sol.

Jean fait signe à sa compagne de ne faire aucun bruit.

Il est sûr d'avoir entendu le craquement d'une branche morte qu'on écrase derrière eux. Il entend aussi des paroles étouffées par la distance. Il reconnaît ou pense reconnaître les voix de certains de ses compagnons. Ils sont encore loin, mais il est clair qu'ils se rapprochent d'eux. Dans leur fuite, ils ont dû laisser de nombreuses traces très faciles à suivre.

- On les attend et on leur explique? interroge Jean.

La jeune fille se lève aussitôt et secoue énergiquement la tête. Elle s'apprête à partir.

- Ils ne nous feront pas de mal, on peut avoir confiance en eux, ils n'aimaient pas plus Mathieu et Simon que nous, je t'assure!

Encore une fois, la fille secoue la tête. Elle semble sûre du contraire. Elle fait signe à Jean qu'ils doivent repartir et vite, elle le tire par le bras. En proie à de nouvelles hésitations, Jean ne sait pas que faire. S'il attend ses camarades, il doit, avant, tuer Mathieu pour qu'il ne pose plus aucun problème définitivement. Dans le cas contraire, s'ils décident de soigner Mathieu et qu'il se rétablit, c'est la mort assurée pour lui. D'un aute côté, la jeune fille semble certaine que la seule solution est de continuer à fuir. Jusque là, elle l'a toujours aidé et lui a fait entièrement confiance, même s'ils se connaissent depuis à peine plus d'une journée...

Ce dilemme va peut-être causer sa mort. Jean ferme les yeux et choisit, hors de tout raisonnement logique, c'est son coeur qui parle. Lentement, il lève sa main en direction de la jeune fille qui l'aide à se relever. Un bras sur les épaules de la jeune fille qui soutient Jean à moitié, ils s'enfuient, en silence, dans la nuit noire.


Le jour se lève. Pas une minute, Jean et la jeune fille ne se sont arrêtés et ont continué de marcher avec un endroit inconnu. Jean est de plus en plus faible. Même si le bandage dérisoire qu'il s'est fait a stoppé une majeure partie de l'hémorragie, son sang continue, à petits flots, de s'échapper de sa plaie. La douleur, mêlée à la perte de sang, fait qu'il n'arrive presque plus à avancer et pèse de tout son poids sur la jeune fille qui commence, elle aussi, à montrer des signes de grande fatigue. Si, au début de leur cavalcade, elle avait semblé être un roc, ne montrant aucun signe de fatigue ou de découragement, les efforts consentis étaient sur le point de la laisser sur les rotules. Ils devaient s'arrêter, mais ils n'arrivaient pas à se décider, le ventre rongé par la peur d'être retrouvés par d'éventuels poursuivants.

Pour ajouter à ces malheurs, Jean était conscient que la fièvre commençait à le gagner. Etait-ce à cause de la douleur ou, pire, d'un début d'infection de sa plaie, il commençait à avoir du mal à penser clairement.

- L'enfant! On a oublié l'enfant! Il faut y retourner!

Le regard plein d'incompréhension de la jeune fille lui donne l'impression qu'elle le prend pour un fou. Elle se demande de quel enfant il s'agit.

- Mais le bébé! Celui que tu as porté hier! Il faut aller le chercher!

La fille secoue la tête. A croire qu'elle ne sait faire que cela. Néanmoins, Jean comprend qu'il est maintenant trop tard pour récupérer le bambin. Ils ne savent pas où il est, ils ne savent même pas où ils sont et il y a toujours le risque d'être accueilli comme des meurtriers par les membres de leur ancien groupe. Il faut abandonner l'enfant à son sort et continuait à marcher, malgré la douleur, la faim et la soif. Sans provisions, sans armes, ils n'iront pas loin.

La jeune fille, à bout de force, s'écroule au sol. Le souffle coupé, les vêtements collés à son corps par la sueur, elle ne peut plus avancer. Tout comme Jean qui accueille cette chute comme une délivrance. Le sol de terre est frais, mou, confortable. Il va enfin pouvoir se reposer.
...
...
...
Le noir! Un voile noir sur ses yeux! Est-il aveugle? Est-ce la nuit? Non! Péniblement, Jean ouvre les yeux, déchirant ce voile noir. Il a chaud, il est allongé confortablement. Mais il a toujours mal, horriblement mal. Malgré la chaleur, il tremble violemment. La fièvre est encore plus forte qu'avant. Cependant, il a encore la force de bouger et de tourner la tête pour regarder où il se trouve. Une petite maison de pierre. Un feu sur lequel est penché la jeune fille. Puis, à nouveau, un voile noir.
...
...
...
La jeune fille a traîné aussi bien qu'elle a pu Jean vers une petite maisonnette en pierre qu'elle a trouvé dans la forêt. Si elle se croyait épuisée par leur fuite, elle n'imaginait pas à quel point elle le serait après avoir traîné Jean pendant plus d'un kilomètre. Elle s'étonnait elle-même de la force qu'elle avait. Comment était-il possible qu'une fille frêle comme elle avait réussi à traîner un homme qui faisait presque deux fois son poids sur plus d'un kilomètre en pleine forêt? Elle ne le savait pas, mais elle l'avait fait. Arrivée devant le petit chalet, elle prit une pierre et, comme elle l'avait fait avec Mathieu, frappa violemment avec la porte du chalet. Vermoulue, celle-ci se brisa bien vite, ouvrant le passage à la jeune fille et à celui qu'elle traînait. A peine eut-elle installée Jean sur le canapé qui trônait dans la pièce principale du chalet qu'elle commença à inspecter leur nouveau domaine. Elle trouva même quelques conserves et ne se jeta sur l'une d'elle qu'elle dévora en quelques minutes. Rassasiée, elle trouva de nouvelles forces pour allumer un feu dans la cheminée avec les réserves de bois du chalet.

Il était temps de s'occuper de Jean maintenant.
...
...
...
Jean se réveille. Il se sent mieux. La douleur a, en partie, disparue. Tout comme la fièvre. Perclus de douleur, il tente de se relever.

- Non! N'essaye pas de te relever!


Le jeune homme sursaute. A qui est cette voie flûtée et douce? Il tourne la tête autour de lui pour voir qui a parlé. C'est la jeune fille qui se penche maintenant sur lui, tenant à la main un verre d'eau dont elle essaye de faire boire quelques gorgées à Jean, ce qu'il fait bien volontiers, sa gorge étant desséchée.

- C'est la première fois que je t'entends parler, articule-t-il avec difficulté.
- Il y a une première fois à tout! Je m'appelle Anna!
- Bonjour Anna, dit-il en souriant, merci de m'avoir sauvé.
- Tu m'as sauvé aussi, je devais te rendre la pareille. J'ai essayé de te soigner comme j'ai pu, ça a l'air d'aller mieux, mais tu n'es pas encore remis!

Jean essaya de se relever une nouvelle fois, mais il n'y arriva pas plus que lors de sa première tentative. Il se contraint à obéir aux recommandations d'Anna et essaya de ne plus faire d'efforts inutiles. Pour autant, il ne s'endormit pas et décida de lutter contre la fatigue qui, pourtant, l'envahissait. C'était la première fois qu'il discutait avec Anna, il devait en profiter. Il lui demanda comment elle avait fait pour le soigner et surtout arrêter la fièvre. Elle lui expliqua qu'elle était étudiante en biologie avant la Catastrophe et qu'elle avait pu trouver, aux alentours de leur chalet, des plantes qui protégeaient contre les infections. Elle avait également eu la chance de trouver un saule à proximité et d'en prendre l'écorce qui, bouillie et réduite en pâte, permettait de lutter contre la douleur et amoindrir la fièvre. Il se rendait compte de la chance qu'il avait eu de l'avoir avec lui.

Pendant plusieurs heures, ils discutèrent de tout et de rien, apprenant à se connaître. Anna n'avait plus peur de lui et elle lui parlait comme s'ils se connaissaient depuis longtemps. Quel comble que ces deux âmes se soient trouvés dans de telles circonstances!


A l'extérieur du chalet, on a repéré les volutes de fumée qui montent de la cheminée où Anna a allumé un feu.
A l'extérieur du chalet, on chuchote.
A l'extérieur du chalet, on se regroupe.
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